Le 21 mars 2022
Une fois par an, généralement au début de l’année fiscale, les services achats sont confrontés au défi de répondre à la flambée des prix des fournisseurs. Le secteur industriel s’est notamment vu désarmé face à la hausse brutale du cours des matières premières agricoles, industrielles de l’énergie et du transport. Augmentation de prix importantes, délais de livraison plus longs, ralentissement de la production… La crise mondiale du Covid19 a eu un impact majeur sur l’industrie, la technologie, l’économie et l’activité financière dans de nombreux pays.
Qu’il s’agisse d’aluminium, de coton ou de plastique, les prix des matières premières augmentent dans la plupart des secteurs. Par conséquent, les entreprises doivent trouver des moyens de faire face à ces flambées de prix à court et à moyen terme. L’anticipation et la maîtrise de l’évolution des prix est l’un des éléments essentiels d’une bonne performance achat.
Les conséquences du COVID-19 ne sont pas les seules causes de la situation actuelle. En effet, les dernières tensions, guerres géopolitiques et commerciales, ainsi que les catastrophes naturelles ont exacerbé la crise économique.
Par exemple, la capacité d’approvisionnement du marché américain des plastiques a été affectée par des conditions météorologiques défavorables. Le blocage d’une semaine du canal de Suez en mars 2021, qui a affecté près de 10 milliards de dollars d’échanges commerciaux, a encore allongé les délais et retardé la reprise du marché. (Les Echos, 2021)
De nombreux fournisseurs tirent profit de ces situations en poussant leurs tarifs vers le haut, en annonçant des pénuries d’approvisionnement à court terme ou des ruptures de stock.
Les achats doivent savoir gérer ces situations sous tension. Plusieurs étapes seront proposées dans cet article. Si la sécurisation des approvisionnements reste l’objectif numéro 1, des premières réponses existent aussi afin de garantir les positions de prix ou limiter leur hausse. Les achats devront rapidement faire preuve d’analyse, collaborer avec plusieurs fonctions clefs en interne afin d’innover ou repenser besoin.
Dans ce premier article sur le sujet, nous proposerons dans un premiers temps les leviers de négociations stratégiques d’un point de vue financier. Un prochain article complétera les aspects et enjeux juridiques.
Dans ce contexte de tension, il est probable que les premières discussions soient déstabilisantes. S’il est important de faire preuve de patience et de compréhension, l’acheteur doit toutefois répondre aux augmentations de prix avec un discours clair et cohérent face aux fournisseurs.
Ces négociations doivent être préparées en amont en explorant les leviers commerciaux et techniques à court et à long terme. Si une augmentation de prix semble inévitable dans le marché actuel, et qu’elle est étayée par des faits raisonnables fournis par le fournisseur, des alternatives peuvent néanmoins être disponibles pour minimiser l’effet de l’augmentation des coûts sur la catégorie :
Le fournisseur doit comprendre que vous cherchez des solutions équitables, durables et que vous n’êtes pas en train de promouvoir une mentalité cost killing, qui consiste à se battre pour obtenir des concessions sur les prix, au point de réduire ou d’éliminer ses profits.
L’idée est de préparer un ensemble de réponses à court terme pour neutraliser les premiers arguments des fournisseurs. Il est essentiel de veiller à ce que tous les acteurs autour de l’acheteur tiennent le même discours. Cela aidera à déterminer le mécanisme le plus approprié pour gérer les augmentations de coûts et à déterminer quels “éléments” sont “contrôlables” par le fournisseur.
Le modèle de coût peut être relié aux indices du marché pour les facteurs d’entrée clés tels que les prix des matières premières, afin d’obtenir une transparence sur l’effet réel de l’augmentation de leurs prix.
L’implication large des métiers de l’entreprise, comme les services d’ingénieries, les services commerciaux, ou encore les services d’approvisionnement, permet de bien comprendre l’ensemble des drivers de coûts. Une vision globale aidera à mieux reconstituer la structure des coûts et à anticiper afin de contre-argumenter la nouvelle augmentation des prix.
Les équipes de négociation doivent donc être pluridisciplinaires, afin de présenter efficacement les arguments préparés. Cela nécessite un alignement interne sur le rôle de chaque participant sur la stratégie.
Au-delà de la maitrise des coûts, les leviers orientés sur le management de la demande permettent sont souvent plus efficaces pour maitriser et réduire les dépenses.
Repenser son besoin, challenger les attentes réelles en termes de fonctionnalités et de performance constituent des leviers très puissants. Ces réflexions sont d’autant plus entendables que la tension sur le contexte économique est forte. En effet, les besoins de « confort » ou de sur-qualité laissent plus facilement place au juste nécessaire.
Dans cette optique, l’implication des clients internes est clé, à la fois pour intégrer les compétences techniques nécessaires à ces réflexions et pour garantir leur adhésion.
L’optimisation de la consommation est également l’un des reflexe de l’acheteur selon les objectifs de son entreprise. Comme pour le besoin, la redéfinition des volumes est un travail de fond qui nécessite la collaboration d’autres fonctions techniques en interne.
A titre d’illustration, l’industrie automobile a mis en pratique ces leviers avec le retour à des compteurs de vitesse analogiques ou des tableaux de bords manuels, en remplacement de leurs équivalents digitaux et électriques.
Anticiper les augmentations de prix ou attendre les baisses nécessitent une certaine connaissance du marché, des acteurs et principalement de la saisonnalité concernant les produits/services concernés.
Cette crise sanitaire aura démontré la nécessité d’anticiper et surtout de stocker des fournitures désormais considérées comme critiques. Ce serait l’un des moyens d’atténuer les évolutions permanentes de prix.
Lorsque l’acheteur a les capacités de stockage, il peut décider de passer commande avant que les prix évoluent à la hausse lorsque la saisonnalité a pour conséquence de faire fluctuer les prix. Cette méthode est par exemple utilisée pour l’achat de fioul commandé en été et stocké pour son utilisation en hiver.
Si cette solution peut permettre d’atténuer une évolution des prix à la hausse en anticipant correctement les besoins, elle reste complexe dans sa mise en œuvre. En effet, toutes les catégories d’achats ne s’y prêtent pas, et il est souvent complexe de prédire précisément les évolutions de marchés.
La clé de l’atténuation interne est le développement de la flexibilité dans le développement et la fabrication des produits. Cette flexibilité permet aux entreprises de se tourner vers des matières premières moins chères lorsque les prix augmentent ou de déplacer la production vers des lieux géographiques différents qui présentent des avantages en termes de coûts ou de stratégie. Les entreprises peuvent également stocker des matières premières lorsque les prix sont bas et y puiser lorsque les prix grimpent. Bien qu’il y ait des coûts associés au maintien de volumes de stocks élevés, ces coûts peuvent être justifiés par les avantages lorsque les prix des matières premières sont très volatils.
En complément, la diversification de la base de fournisseurs pour les matières premières prioritaires donne également aux entreprises une plus grande capacité à substituer d’autres sources en cas de flambée des prix.
Après avoir travaillé sur une nouvelle stratégie court terme contre l’augmentation des prix, les acheteurs devront mettre en place un nouveau plan pour réduire l’impact à long terme sur les résultats.
La compréhension de la structure des coûts des produits et la connaissance du marché acquise pendant la première phase d’actions rapides peuvent donc être utilisées de deux manières :
En travaillant étroitement avec les achats, les autres départements peuvent mieux comprendre les objectifs de la direction achats et se sensibiliser aux facteurs de coûts. Inversement, l’équipe des achats bénéficieront d’une compréhension technique plus approfondie du produit et d’une perspective élargie des besoins clés des clients.
Cela permet à l’équipe de développer de nouveaux concepts de produits optimisés, en se concentrant sur les disparités entre la volonté de payer et les coûts engagés pour cette fonctionnalité.
En outre, ces collaborations peuvent apporter la compréhension de la technique et du marché à la même table, et stimuler l’innovation afin qu’un produit n’ait pas besoin de dépendre d’une marchandise rare ou volatile.
Si face à la flambée des prix, les options immédiates semblent souvent limitées et défavorables, des solutions existent. Compte tenu de leur complexité technique, d’organisation et de conduite du changement, leur mise en œuvre nécessite toutefois des ressources larges, avec une pleine implication de l’ensemble des compétences de l’entreprise.
Un travail coordonné, transparent et préparé, sera garant des meilleurs résultats.
En termes de plan d’actions, l’acheteur doit d’abord prioriser et poser un cadre de négociation permettant de limiter les dérives tout en sécurisant les approvisionnements.
Cette étape permet de laisser le temps de s’organiser en interne, pour déployer des actions plus structurantes : renfort des capacités d’analyse, gestion plus fine des besoins et des consommations, meilleure maitrise des risques.
Clémentine TALAOUIT
Consultante achats, Secteur Industrie & Service
“Raw material prices and supply shortages skyrocket”, Consultancy.eu
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